État(s) de la professeure

La session se termine dans quelques semaines. Il ne reste que deux semaines de cours pour moi, puis de la correction jusqu'aux oreilles. Il est plus que temps de faire le point.

Je dois dire que ma session d'enseignement s'est très bien déroulée dans l'ensemble. Mes étudiants sont intéressés. Ils discutent en classe; même les gênés parlent un peu et je peux dire que tous apprennent. C'est vraiment bien. Je les vois apprendre à regarder l'histoire d'un autre point de vue, de la perpective des anthrolopogues et des ethnologues, avec tous les avantages et les défauts conséquents. Vraiment plaisant.

De plus, l'entente entre le Département de Français et le Département d'histoire est officielle. L'année prochaine et à tous les deux ans jusqu'à nouvel ordre, je vais donner un cours au Département de Français, en français, dans un de mes domaines de recherche. Je commence en janvier 2015. Il est plus que probable que mon premier cours porte sur la SFQ ou la littérature du genre au Québec ou quelque chose dans ses eaux-là. J'ai très hâte. L'enseignante est plus que satisfaite.

Au secours!

Au secours!

La chercheuse l'est beaucoup moins. Franchement, je suis en retard sur tout, j'ai plusieurs textes qui sont en retard de quelques mois. Et je n'ai toujours réussi à ratrapper mon retard. Mes éditeurs commencent à perdre patience avec moi et franchement moi aussi. Je vais leur envoyer des cartes de Noël pour me faire pardonner à défaut que leur envoyer mes textes, parce que je n'aurai pas tout terminé avant les Fêtes. Le fait est que je ne me suis pas reposée cet été et que mon niveau d'énergie n'est jamais revenu au niveau nécessaire pour travailler de la manière intensive requise pendant une session normale. Il me manque de temps, entre la préparation des cours, l'enseignement et toutes les tâches quotidiennes, et le temps nécessaire à une écriture universitaire de niveau acceptable pour mes éditeurs. J'écris une heure, puis je suis tellement épuisée, il me faut dormir une heure. On avance pas très vite à ce rythme. Bref, j'en dois à beaucoup. J'ai une biographie à terminer, un article, deux critiques de livres, une critique de manuscrit et une critique de dvd en retard; les quatres critiques ne sont même pas amorcées. Je suis poche. Sauvez-moi.

En plus, et tristement, l'ordinateur portable sur lequel j'écris cette entrée commence à donner des signes de mort imminente. J'en suis inquiète et embarassée, parce que je n'ai pas le budget pour le remplacer tout de suite. Je comptais le faire en janvier, mais je ne suis pas sûre que ce laptop survivra jusque là. J'ai envoyé un courriel à qui de droit pour savoir s'il me reste de l'argent dans mon compte de dépenses professionnelles, parce que ça ne sortira certainement pas de mon compte. Triste.

Quelques remarques sur la nouvelle version de la #Charte

Comme je l'avais prédit et sans aucune surprise, le gouvernement québécois a déjà commencé à changer et ajuster le projet de loi de ladite Charte. D'abord, Drainville a spécifié que la question du crucifix de l'Assemblée nationale sera décidée par les députés. Marois n'a pas spécifié si ce sera un vote selon la ligne de parti, mais franchement on parie que le crucifix s'en va bientôt?

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Ensuite, on voit déjà des tentatives évidentes de résoudre les incongruités et les paradoxes dans le texte. Ces tentatives sont gauches, même un peu ridicule, mais on voit une tentative de rendre le document plus cohérent, à commencer par le titre. En dignes héritiers de René Lévesque, le nouveau titre est excessivement long: « Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accommodements ». Il a quand même l'avantage d'être clair et programmateur. Le document, malheureusement, ne fait pas encore ce qu'affirme le titre, mais déjà les quelques petits ajustements vont dans le bon sens. Le Québec aura peut-être bientôt la Charte qu'il demande, à défaut d'avoir actuellement la Charte dont il a besoin.

Enfin, il ne faut pas négliger le fait que la Charte, une fois adoptée, sera contestée devant les tribunaux canadiens, par des citoyens québécois et par le gouvernement Harper. Jason "non je ne suis pas raciste" Kenney a déjà dit qu'il contestera la Charte des valeurs au nom de la Charte des droits et libertés.

On touche du bois.

Equité de mes deux

Même après quelques jours, je suis encore furax.

En mai dernier, j'ai accepté de servir comme représentante du Bureau d'Équité sur le comité de promotion et de renouvellement de mon département. Mon rôle est de m'assurer que le processus est conforme à la convention collective et à la loi sur l'Équité au travail de l'Ontario. Comme j'ai la formation nécessaire, mais pas la certification*, j'ai contacté ledit Bureau dès le mois de mai et encore en juin pour savoir quand  les sessions de certifications auraient lieu. Lorsque ledit Bureau m'a enfin répondu, on m'a transmis les dates des sessions en juin et juillet, à des moments où je n'étais même pas en Ontario. Je les ai contacté encore, pour avoir le temps des séances de septembre, mais je n'ai pas eu de réponse, pas de réponse à aucun de mes courriels.

Nous voici en novembre et lundi je reçois un courriel de l'adjointe administrative du Bureau d'Équité me disant que notre comité contrevient au règlement parce que je n'ai pas la certification et que je dois me retirer avant que le processus soit annulé.

Vous comprendrez que j'ai collé au plafond. Mon courriel, très poli, expliquant en détail mes tentatives répétées pour avoir quelques informations que ce soit, fut répondu par un courriel très sarcastique me disant qu'il n'y avait pas de traces de mes requêtes et que de toutes façons, les horaires des séances sont disponibles sur le site internet du Bureau – celui-là dont l'accès est restraint pas un mot de passe – implicitant que c'était de ma propre faute si je n'avais pas obtenu la certification à temps.

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Non, je n'ai toujours pas décollé du plafond. 

Une très généreuse collègue qui a la certification a pris le relai et signera les formulaires à ma place. Elle est très gentille. Je suis aussi inscrite à la séance de certification du 20 février prochain et le Bureau d'Équité peut se mettre leur adjointe administrative où je pense.

 

 

* Oui, la formation et la certification sont deux choses séparées. Vous avez bien lu. 

Fuck cancer, again

Ma tante M. est morte, comme je le disais dans ma dernière entrée. Elle sera incinérée cette semaine et les funérailles auront lieu au printemps ou au début de l'été aux Îles. Mon oncle J. se prépare à mourir, sans trop se presser, mais sans se cacher non plus. Ma soeur n'y croit pas, mais ma mère est convaincue. Je suis encline à faire confiance à sa soeur plutôt qu'à sa nièce.

La situation de ma tante J. est pire encore que ce que nous croyions. Elle a effectivement une tumeur opérable mais énorme dans le colon, du côté droit, mais elle a aussi des douleurs inexpliquées derrière l'omoplate gauche et elle fait de la tachycardie. Elle a bien sûr perdu beaucoup de poids, puisqu'elle "mange mou" depuis trois semaines. Ses traitements, dont une chirurgie intestinale, commenceront la semaine prochaine. Nous apprendrons aussi ce qui se passe avec son coeur et son dos. Je ne suis pas optimiste.

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Il y a aussi notre meilleur ami S. Il combat un myélome multiple depuis deux ans.  Sa conjointe l'a quitté cet été et il doit recevoir une allo-greffe de moelle. Il devait être admis à l'hôpital à Québec Ce matin, mais ils n'ont pas de lit de disponible. Comme il est revenu d'un très court séjour Paris* avec un rhume et une sinusite bactérienne vendredi dernier, il n'aurait pas pu être greffé de toute façon. Ceci dit, il est évident que son système immunitaire est faible, ce qui n'aidera pas à la greffe qui demande beaucoup. Le myélome multiple est un cancer incurable et nous savons tous qu'il est sur du temps emprunté, mais il a mon âge et il mérite de combattre autant que possible pour vivre aussi longtemps que possible, même s'il sait qu'il ne gagnera pas et ne verra probablement pas l'âge de la retraite.

Puis il y a Mamou, qui fait de l'anémie soudaine, sévère et inexpliquée depuis quelques mois. Cela explique sa fatigue constante et son humeur... disons... inégale depuis quelque temps. Il apprendra demain ce qu'il en est, mais un homme de son âge ne développe pas une anémie soudaine pour rien, comme ça, sortant de nulle part. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'une anémie inexpliquée est très souvent le premier symptôme d'un myélome multiple, le cancer qui a tué la mère de Mamou il y a cinq ans. Touchez du bois. 

 

FUCK CANCER!

 

I'm happy, but it's probably the fumes

"Sylvain the Painter"  (c'est ce que dit sa carte) est à la maison depuis hier et y sera jusqu'à jeudi à peintre presque toute la maison. Il ne peindra pas les chambres et la grande pièce au sous-sol et c'est tout. La maison sent la peinture, mais les couleurs sont belles.  La salle de bain est blanche avec un mur d'accent "Ardoise", un gris bleu foncé. Cette même couleur se trouve sur le dosseret de la cuisine (je n'ai pas de tuiles) et dans le W.C. près de l'entrée. Cette couleur est un peu plus bleue que je m'y attendais et ne s'accorde pas tout à fait avec les comptoirs de la cuisine et du W.C., mais je crois bien que cela ne dérangera personne sauf moi et des décorateurs professionnels. Les pièces principales et les escaliers sont un taupe clair nommé "Soie brune"; les moulures et les plafonds sont  les moulures et les plafonds sont  "Blanc nébuleux" (un blanc qui ressemble vraiment à de la crème sortie du pie). Dans le salon, il y aura deux murs d'accent, un beau turquoise nommée "Côte bretonne" (décidément, ceux qui nomment les couleurs en fument du bon).  J'en profite pour mettre à jour les rideaux du salon. Les précédents étaient faits de draps que j'avais cousus en rideaux. Ils étaient tout à fait fonctionnels, mais maudit, après sept ans, je mérite de vrais rideaux et du voilage. Les rideaux sont en imitation soie plissée, brun, beige et turquoise, coordonnés avec les meubles et les murs. Le seul hic est que je les ai trouvés chez Walmart. Je le sais, mea culpa, mea maxima culpa. Je mettrai aussi peut-être les coussins  à jour. Ils ont quatre ans et commencent à paraître gris où ils ne sont pas tachés de crème glacée et de yogourt.       

Salle de bain, avant que je ne raccroche le miroir.

Salle de bain, avant que je ne raccroche le miroir.

Le W.C.

Le W.C.

Le dosseret de la cuisine.

Le dosseret de la cuisine.

Je rajouterai les photos du salon dès que Sylvain l'aura peint, demain probablement. Il a terminé la cuisine et le placard, et travaille sur la salle à manger et les escaliers aujourd'hui. Il devrait avoir tout terminer jeudi et je compte retoucher les murs du sous-sol cette même journée.

Ajout, 25 octobre 2013: le salon et les rideaux! 

Salon.

Salon.

Salon.

Salon.

Les rideaux, à contre-jour, désolée.

Les rideaux, à contre-jour, désolée.

Bonus: le salon avant l'oeuvre.

Bonus: le salon avant l'oeuvre.

Ideas for an online course on Pseudo-History

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It's all Aaron Gulyas's (@firkon's) fault. He presented at the Midwest Popular Culture's Association conference recently a very interesting paper about pseudo-history in the United States media, which prompted me to read Ethan Watrall's (@captain_primate's) pseudo-archeology course at Michigan State. This revived in my funny little head a course project I had played with years ago but had given up on because of the resistance to any innovation on my part in my department. Considering that the current Department Head is in favour of not only my ideas but online teaching, I think I might just propose this to Continuing and Distance Studies. The History deadline is past, but I don't think CDS's deadline is.

Here we go, my quick concept: 

Pseudo-history: Ancient Vikings, Chinese and Aliens in Canada
Description:
In this 12-week online course, students will explore the prevalence of pseudo-history and pseudo-archeology in Canadian popular media (books, television, web) and to provide students with the critical tools to identify and debunk these attractive and pervasive modern myths.
Objectives:
Students will become familiar with the most common of these theories and unpack the real, evidence-based ones from the fabulatings of pseudo-historians: the numerous purported Viking, Welsh and Irish landings on the Eastern sea-board, the purported extra-terrestrial influence on First Nation cultures, the "secret" histories of various Canadian political entities, the supposed Chinese colonization of Cape Breton, among others.
Using critical, analytical tools commonly weld by historians, anthropologists, archaeologists and ethnologists, students will better understand  the ways in which these ideas emerge and evolve in popular culture and public consciousness. More importantly, students will explore the many reasons why these hoaxes and pseudo-mysteries become and remain prevalent. More importantly, this course aims to explain why pseudo-science can so easily disguise itself as scholarly work in popular media.
Assignments:
a) Myth Summary (5th week): Pick one theory from set list and present its original inception and origins.
b) Create-a-Myth (12th week): create a pseudo-historical theory and explain the process and details needed to make it fully believable in popular media.
c) Online discussion (from 3rd week to 12th week): One entry per week minimum

Themes:

1. Introduction to the course: concepts and caveats

2. A history of pseudo-histories I: National narratives

3. A history of pseudo-histories II: History before professionalization

4. Ancient Explorers? St. Brennan and the like

5. Ancient Explorers? Vikings, the real and the fake

7. Ancient Explorers? The Chinese and The Island of Seven Cities

8. Secret History? Secret Societies and Government 

9. Secret History? Oak Island

10. Ancient Aliens? Influencing First Nations

11. Ancient Aliens? Mysterious Ruins, or not

12. Wrapping up. Why all the bunk?

Comments, ideas, thoughts?

Mon analyse de la #Charte des valeurs québécoises

Mieux vaut tard que jamais. J'avais prévu cette entrée il y a trois semaines, mais la vie étant ce qu'elle est, je n'ai pu la mettre au propre avant aujourd'hui. J'en ai long à dire. Je vous présente donc une analyse sur plusieurs angles, car la question est beaucoup plus compliquée qu'elle n'en paraît et c'est tout dire.

1) Ce projet de loi n'est pas que cela: un projet. Il sera modifié. Drainville est têtu et opiniâtre, mais il n'est pas stupide, ni Lisée, ni Marois. Cette dernière n'est pas une gentille personne et est convaincue de sa science infuse (un trait qui date des débuts de sa carrière, quand elle faisait des brainstormings dans la cuisine de ma mère), mais elle sait qu'elle ne pourra pas rester au pouvoir sans compromis. Elle a déjà prouvé qu'elle est peut reculer lorsque nécessaire et ce sera nécessaire. Les compromis sont imminents. On rapporte déjà ce matin que le gouvernement réfléchit à enlever le crucifix du parlement.

2) Ce projet de loi est en fait plusieurs projets distincts qui ont été mélangés au malaxeur et les mottons paraissent encore. Croyez-moi là-dessus, une grande part des problèmes et des incohérences viennent de là.

2a) Il y a d'abord le projet de loi visant à instaurer la neutralité religieuse de l'État québécois. Ce projet est dans l'air depuis près de 10 ans, datant du temps de Charest, mais il n'avait jamais été payant politiquement de le faire. La Commission Bouchard-Taylor est ce qui avait remplacé ce projet de loi sous Charest. Le déroulement de la Commission avait suffit à l'époque et le projet avait été remis sur la tablette avec les recommandations de Bouchard et de Taylor, Charest reconnaissant que ces dernières étaient un panier de crabe potentiel. Le projet actuel vise donc aussi à baliser (bien mal) les accommodements dans le cadre du gouvernement.

2b) Il y a ensuite le projet de loi cher à de très nombreux membres du Parti Québécois, républicains jusqu'à l'os, qui espèrent faire du Québec une république présidentielle à la française, en opposition à une république présidentielle à l'américaine. Comme le principe de la laïcité est poussée à l'excès en France, avec les dérapages inutiles des lois interdisant la burqa, ces membres du PQ tentent d'instaurer ce même régime au Québec. Le problème est que le Québec est une société libérale (avec une minuscule) et que l'idéal platonique d'une laïcité parfaite, en opposition à une neutralité pratique, est impossible à atteindre.

2bi) Depuis l'an 2000 environ, on a vu le départ hors du PQ de la plupart des tenants du républicanisme libéral à l'américaine. On l'est a entendus la semaine dernière, Parizeau, Landry et Bouchard. Ce sont des libéraux (minuscule), hardant défenseurs de la sociale démocratie dans un république présidentielle neutre (sécularisée, plutôt que laïque). De restreindre les droits individuels dans un Québec indépendant serait répugnant et contraire à leur vision. Les indépendantistes de gauche, comme ceux de Québec Solidaire, dont une grande part des membres sont aussi d'anciens péquistes, vont proposer sous peu un projet de charte qui justement sera cohérent avec ces objectifs: une charte de la laïcité et non une charte des valeurs; des balises plutôt que des restrictions.

2c) Il ne faut pas oublier que ce projet de loi a été rédigé par des fonctionnaires en réponse à des exigences de plusieurs membres du gouvernement. Il ne faut pas oublier non plus que ces mêmes fonctionnaires ont aussi des objectifs spécifiques que ce projet de loi pourrait régler. Il faut comprendre que le fonctionnariat de Québec est terrifié depuis les années 1990 à l'idée de perdre du pouvoir en faveur de Montréal. On sait tous que la majorité des ministres passent plus de temps à Montréal qu'à Québec et que les centres de décisions de plusieurs ministères majeurs sont à Montréal avec des bureaux administratifs à Québec. Cette résistance est un des nombreux facteurs qui prévient l'intégration d'immigrants et des minorités visibles dans le fonctionnariat, un problème systémique qu'aucun programme n'a jamais réglé. Ces mêmes fonctionnaires ont rédigé le projet de Charte des valeurs québécoises. Il me paraît évident à la lecture du texte que les restrictions sur les signes dits "ostentatoires" sont en fait une tentative de freiner le transfert des pouvoirs vers Montréal-la-multiculturelle.

3) Les incohérences de ce projet de Charte sont évidents, mais j'ai été surprise par le fait qu'ils étaient moindre que je le craignais.

3a) D'abord, il est évident que ceux qui ont écrit ce texte ne connaissent pas la définition du mot "ostentatoire". Si l'on examine les signes interdits et les signes permis pas la Charte, il est évident que les rédacteurs sont parfaitement confondus. Ce mot n'est pas un simple synonyme de "distinctif" ou de "visible". Si l'on se fit au Larousse (le plus conservateur des dicos), l'ostentation est une "Affectation qu'on apporte à faire quelque chose, étalage indiscret d'un avantage ou d'une qualité, attitude de quelqu'un qui cherche à se faire remarquer." Le foulard musulman et la kippa juive sont des signes de modestie. Par définition, ils ne peuvent pas être des signes ostentatoires*. À l'opposé, un énorme crucifix doré sur centré sur un mur de manière à ce qu'ils soit impossible de ne pas le voir, ce crucifix est ostentatoire. Des bijoux, même les plus discrets, sont ostentatoires: ce sont des parures!

3b) Justement, plusieurs des bijoux proposés n'existent pas! Je n'ai jamais de toute ma vie vue des boucles d'oreilles avec un croissant ou une étoile de David. Un pendentif en étoile de David, oui, un pendentif en kirpan, aussi. Au mieux, Drainville espère relancer l'industrie de la joaillerie au Québec.

4) Le plus grave problème, cependant, avec tout ce boucan est le féminisme libéral et la volonté de "libérer" les femmes musulmanes du "voile islamiste". Personne n'est assez naïf pour croire que toutes les femmes musulmanes portent un voile (peu importe la forme) contre leur gré. Il y a beaucoup de femmes qui sont forcées de se couvrir par leurs familles, conjoints, paires, conventions sociales ou lois. Il y en a au Québec aussi. Cependant, et c'est important de le dire, tous les voiles ne sont pas égaux. Toutes les formes de voile sur la Terre (musulmans ou autres) sont le produit de conventions sociales et de traditions, qui souvent précèdent la conversion des peuples qui les maintiennent. J'inclue ici les voiles chrétiens orthodoxes aussi. Le Coran demande aux femmes de se couvrir la tête par modestie. C'est tout. C'est tout. Donc, une croyante musulmane qui souhaite être dévote (c'est son droit!!!) doit se couvrir la tête. Dans une société libérale, c'est son droit et son choix. Savez-vous quoi? L'écrasante majorité des musulmanes du Québec portent le voile de leur plein gré! C'est leur choix! Elles devraient avoir le choix de porter le voile, le foulard, qu'elles désirent. On parle, après tout, d'un fichu.

4a) J'avoue, je ne comprends pas le port du voile intégral en Occident. Le Coran ne l'exige pas et toutes les questions de respectabilité et de classes sociales associées au niqab comme dans les Émirats, par exemple**, n'existent pas en Occident. Je suis en faveur du principe que lorsque le gouvernement ou la justice sont en jeu, tous devraient opérer à visage découvert. Savez-vous quoi? La majorité des musulmans sont d'accord ça aussi! Le niqab au Québec, par ailleurs, est l'affaire d'une toute petite minorité. Le chiffre qui circulait au moment des dernières élections était d'une centaine de personnes environ.

4b) Le problème avec de nombreuses féministes libérales est qu'elles voient de l'oppression où parfois il n'y en a pas. L'écrasante majorité des musulmanes que je connais (et j'en connais un tas) sont plus féministes que la plupart de mes étudiantes dites "libérées". Vous avez bien lu. Ces musulmanes ne tolèrent aucune discrimination envers elles et leurs filles, de la part que quiconque et dans tous les domaines. Elles choisissent de cacher leurs cheveux et leurs jambes, par modestie, et refusent que leurs droits à un salaire égal, des droits égaux et un traitement égal leur soient restreints. Elles croient plus en la société démocratique et libérale que mes étudiantes en décolletés plongeant et en thons. Dites-moi, qui est opprimé entre elles?

4c) Plusieurs personnes dans les médias on fait grand cas du fait que le foulard et le voile sont des symboles du patriarcat. Ces personnes, surtout des femmes, exigent que les musulmanes se dévoilent "pour leur bien". Je n'ai pas de mots pour exprimer l'hypocrisie de cette position. Je dois seulement rappeler qu'à la fin du 19e et au début du 20e siècles, les gouvernements (protestants) des provinces anglophones du Canada ont tenté d'interdire le port du voile chez les enseignantes religieuses et le collet romain chez les prêtres enseignants, pour instaurer un principe de neutralité dans les écoles publiques, au nom du progrès. Les Canadiens-français du Québec et d'ailleurs avaient alors exercé des pressions sur tous les niveaux de gouvernement, et se sont souvent rendus à l'émeute avec mort d'homme, afin d'assurer le droit des religieux d'exercer leurs fonctions d'enseignants. Maintenant, les arrière-petits-fils et filles de ces mêmes Canadiens-français veulent imposer les mêmes restrictions sur les musulmanes et autres, au nom de la neutralité de l'État et de la modernité. Voyez-vous la différence? Pas moi.

4d) Plusieurs personnes dans les médias ont déchirer leurs chemises avec des "pensez aux enfants!" À ces cris, je dis merde! Écoutez vos enfants. Ils ont mieux compris que vous ce que veux dire le voile musulman et les autres signes distinctifs des différents groupes culturels au pays. Mon fils, avant hier, m'expliquait que Madame Fatima du service de garde s'habille avec des longue jupes et un "fichu sur la tête" et Madame Bambi a plein de faux cheveux tous bouclés, "c'est beau", et Madame Cynthia, elle, porte des jeans comme maman. Il a tout compris. Ces femmes s'habillent et se coiffent comme elles le veulent, et c'est tout. C'est sans importance et c'est tout!

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 * Soit dit en passant, une musulmane peut porter un foulard ostentatoire. J'en ai vu souvent, la plus récente la semaine dernière à Montréal. Son foulard était un gigantesque monticule noué sur le dessus de sa tête, tout en dentelle blanche et en strass, frous-frous et broches dorées. Elle était superbe, dans les deux sens du termes: elle était très belle et bien habillée, mais elle était aussi flamboyante et impossible à manquer. 

** Dans la plupart des Émirats, le niqab est porté surtout par les femmes des classes supérieures et est avant tout un signe de leur respectabilité, plutôt qu'un signe de dévotion. Les femmes des classes sociales inférieures ne portent généralement que le simple foulard, parce qu'un niqab coûte cher et qu'il est dans le chemin de tous les travaux qu'elles ont à faire. Porter un niqab est souvent un signe que cette femme n'a pas à faire de travaux manuels, un peu comme ces Africaines-Américaines avec des ongles outrageusement longs en signe qu'elles n'ont pas à faire des ménages.