FUCK CANCER
Hier, juste avant 17h, ma tante M. (une des soeurs de ma mère) est morte d'une embolie pulmonaire causée par un cancer du poumon inopérable. Elle ne recevait pas de traitements, ça ne servait à rien. Elle se disait, comme presque tout le monde, qu'elle verrait Noël, mais ma soeur et moi n'y croyions pas. Je déteste avoir raison dans des cas comme ça.
Ma famille* redéfinit le mot "têtu" et ma tante était la plus têtu de ses soeurs. À l'agonie, elle a attendu que son ainée se rende à son chevet depuis Troutown jusqu'aux Îles avant de mourir. Ma cousine est arrivée à 16h30 et ma tante est partie à 16h50. Comme je disais, têtue.
Ma tante M. était tout un personnage, de loin la plus étrange des enfants et petits-enfants de mon grand-père maternel, ce qui n'est pas peu dire parce que nous sommes une gang de débiles, moi incluse. Elle était une très bonne cuisinière, presqu'aussi bonne que feu ses deux soeurs ainées qui étaient extraordinaires. Un drôle de mélange d'humilité et d'excentricité, elle se déguisait pour un tout, pour un rien, parce ça lui tentait cette journée-là. Elle était une joueuse de carte exemplaire et une très mauvaise perdante. Elle se faisait varloper au SkipBo par mon cousin G. plusieurs fois par semaine. Ma tante était la personne la plus superstitieuse que j'ai jamais connue. Ses peurs étaient complètement ridicules et elle le savait, mais y croyait quand même. Depuis son adolescence, pendant 60 ans au moins, elle a joué "à la quigne" (ou à la King, personne ne l'a jamais su), un jeu de son invention, à mi-chemin entre donner "la tague" et jeter le mauvais sort. Elle élaborait des plans particulièrement complexes pour donner la quigne et ne pas être la dernière à l'avoir, au cas où cela porterait malheur. Mamou était devenu un de ses adversaires préférés à la King et il partageait son bonheur. Elle était aussi légèrement compulsive, mais cela allait avec le personnage.
Elle va me manquer beaucoup.
Malheureusement, mon oncle J.-F., celui qui est son ainé d'un an à peu près, a décidé qu'il partirait en même temps qu'elle. Ils ont toujours été plus des jumeaux que de simples frère et soeur tellement ils étaient proches. Mon oncle est un joueur de tour et un moqueur invétéré, d'un humour intarissable, riant jaune et noir et toutes les autres couleurs d'une phrase à l'autre. Comme presque tout le monde de ma famille maternelle**, il souffre d'un grave diabète Type II qui est resté sans traitement pendant une décennie au moins, a perdu ses deux jambes, sa santé et son endurance. Il se meurt très lentement depuis 15 ans et le sait, et il a décidé qu'il partirait avec sa soeur. Ne vous trompez pas: il n'aura pas à s'enlever la vie. Il va mourir bientôt parce qu'il a décidé qu'il doit mourir pour rejoindre sa soeur préférée au plus tôt. Je ne veux pas sembler faire un panégyrique de son vivant, mais mon oncle est le plus têtu de ses frères, plus encore que mon grand-père; s'il veut mourir, il va partir plus tôt que tard. Il attendra probablement après Noël pour voir ses enfants et petits-enfants, mais il ne tardera pas. J'avoue, je ne m'inquiète pas trop pour lui. Il ne sera pas seul et tout ce passera bien. Il souffre depuis longtemps et il mérite le repos.
Je suis plutôt inquiète pour ma tante J. Elle est missionnaire au Cameroun depuis des années et est de santé de plus en plus fragile. La semaine dernière, elle a été diagnostiquée d'un cancer du colon à Yaoundé et sera rapatriée à Québec vendredi. Elle sera opérée sous peu. Il y aura des traitements et ce sera difficile. Ma tante J. est malade depuis des lunes et se plaignait de maux de ventre depuis au moins un an. Même si elle est la plus jeune de mes oncles et tantes, juste avant ma mère et ma tante L., elle a quand même 75 ans. Une chirurgie de l'intestin est difficile même pour quelqu'un en bonne santé. Ce sera sérieux. Comme ma tante est religieuse, elle n'a pas d'enfant. Mes cousines et ma mère seront à son chevet, je sais, mais elles seront moins disponibles parce qu'elles organisent la succession de M. et l'agonie de J.-F.
Comme nous sommes dispersés partout au Québec et ailleurs, les funérailles de M. (et probablement de J.-F.) auront lieu au printemps (probablement ensemble), de manière à ce que tous les cousins puissent se rendre aux Îles plus facilement. J'ai manqué les funérailles de mes tantes Y. et L., je ne veux pas en manquer une autre.
FUCK CANCER
* Par "ma famille", je fais référence à la famille de ma mère. Je n'ai pas de famille du côté de mon père (sa soeur est morte sans enfants), mais j'ai beaucoup de famille du côté de ma mère. Mes grands-parents maternels ont eu 14 enfants vivants et ces derniers ont eux 54 enfants collectivement. Jusqu'au décès de mon cousin G. il y a deux ans, nous étions une gang de débiles de 54 cousins germains, dont l'écrasante majorité se connait et se fréquente. Je suis l'avant-dernière. Mon cousin G. à plus de 35 ans de plus que moi. Comme je disais, une grosse gang de débiles, dispersée aux quatre coins du Québec et moi la seule hors province.
** Jusqu'aux cancers de mon cousin G. et de mes tantes M. et J., l'unique cause de mortalité dans ma famille maternelle, depuis quatre générations au siècle dernier, est liée au diabète de Type II. Je n'exagère pas, nous connaissons très bien notre généalogie; toutes les mortalités du côté de ma mère, jusqu'à la génération de l'arrière grand-mère de ma mère, ont été causées par des problèmes cardiaques ou vasculaires liés au diabète de Type II. Tous. Pour ainsi dire, je sais de quoi je vais mourir.