Mon ami se meurt
Mon ami Joël est entré en soin palliatif hier. Il va aussi bien que possible, il ne souffre plus, mais dort beaucoup. Ce qui est tout à fait normal et le sera de plus en plus avec l'augmentation graduel des doses de morphine dans les temps prochains. Il mange un peu, mais souffre d'une infection buccale assez virulente. Il a cessé tout autre soin.
Il ne lui reste donc que très peu de temps. Oui, je sais bien que pour certaines rares personnes, on peut être en soin palliatif pendant des mois (ou comme mon grand-oncle Lucien, y être entré trois fois et sorti deux fois...), mais je ne suis pas une à se conter des fables. Mon ami sera parti au plus dans quelques semaines.
J'ai écrit à un de leurs amis proches ce matin pour qu'il demande si je peux venir les voir samedi. Normalement, le village où ils habitent est à 400 km d'Ottawa, mais comme Mamou doit aller à Montréal en fin de semaine, si j'y vais aussi, je n'aurais que 200 km à faire à partir de Montréal pour aller les voir samedi. J'ai eu la permission d'y aller. Bien entendu, je dois téléphoner samedi matin pour savoir s'il est en état de recevoir, et il tout à fait possible que je ne puisse pas du tout le voir avant les funérailles, mais je prendrai ce qui vient.
Joël n'est pas du tout la première personne autour de moi qui souffre ou meurt d'un cancer. Il n'est même pas la personne la plus proche de moi qui se meurt d'un cancer. Je ne sais pas pourquoi son agonie (toute la maladie, en fait) me touche à ce point. Je suis atterrée depuis des mois. J'en pleure. J'ai honte de ne pas avoir pu les aider dans le quotidien comme ils le méritent. Je rage de la distance physique entre nous. Ne vous imaginez pas que je me crois l'une de leurs meilleurs amis; je sais très bien que je ne le suis pas. Je connais très bien ma place. J'ai pourtant toujours ressenti une profonde amitié pour lui et sa conjointe, avec qui je m'entends comme cochon. J'aurais voulu être à leur service dans les derniers temps, mais j'habite à 400 km. J'ai envoyé quelques livres-cd, dont une boîte il y a quelques semaines. Mais ils méritent tellement plus et je suis tellement loin. Je n'exagère pas mon importance dans leur vie; je n'en ai pas vraiment une importance. Mais ils méritent tout.
J'ai besoin d'une thérapie, non?
Bref, je vais pouvoir lui dire au revoir à Joël, tout simplement, humblement, doucement, puis je m'éclipserai pour laisser toute la place à la famille et aux amis proches. J'assisterai aux funérailles, bien entendu. Mamou m'a promis "qu'on s'arrangera".