Le Pouding à l'arsenic

Ça va être du gâteau

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Un café et un livre, comme le Professore.

Un café et un livre, comme le Professore.

Umberto Eco, 1932-2016

February 21, 2016 by Tournevis in Critiques, Français, Inspiration, Travail

Décidément, 2016 est cruelle.

Sans Umberto Eco, je ne serais pas la chercheuse que je suis aujourd’hui. C’est aussi simple que cela. Je n'exagère pas.

Avec Maurice Halbwachs, Husserl, Paul Connerton et Benedict Anderson, Umberto Eco a construit la base de mon approche analytique. Je suis une anthropologue historique. J’étudie comment les personnes et les communautés s’imaginent et se représentent leur passé, leur présent (et leur existence) et leur avenir. J’étudie comment les narrations qu’elles se font modèlent leurs vie. En quoi elles constituent leur encyclopédie. Je conçois ces narrations de manière phénoménologique, comme étant vécue et ressentie, et j’approche ces histoires, ces textes par la poétique d’Eco. Sans L’Œuvre ouverte, Lector in Fabula et Les Limites de l’interprétation, je ne serais pas qui je suis. Dans ma thèse de doctorat, j’ai 70 pages de théorie et Eco s’y trouve dans presque toutes. Dans mes travaux sur le doublage au Québec, ses réflexions sur la traductions sont partout.

Sans Eco, je ne serais rien.

Mon texte préféré, De Bibliotheca, est une toute petite plaquette, une conférence donnée à Milan en 1985, sur ses bibliothèques préférées (dont Robarts à UofT), sa conception de la bibliothèque idéale, sur Borgès et du bibliothécaire dans Le Nom de la Rose. L’ayant lu dans une édition rare des Éditions Échoppe de 1986, j’en n’ai trouvé une copie pour moi qu’en 2010, dans une minuscule libraire d’Ottawa. J’ai sauté de joie.

J’ai bien sûr lu tous ses romans et presque tous ces autres livres. J’ai bien aimé Le Nom de la Rose et adoré Le Pendule de Foucault*, mais mon roman préféré du Maestro est La Mystérieuse Flamme de la reine Loana. Je me souviens d’en être bien surprise sur le moment, mais c’était pourtant évidant. Le roman présente les dernières réminiscences d’un homme d’âge mûr, au prise avec un AVC majeur, dans l’inconscience des dernières heures de sa vie. C’était pourtant évident, mon roman préféré d’Eco présente la narration constitutive d’un homme à la fin de sa vie.

Il n’y a pas de mot pour exprimer combien je suis triste qu’il n’y aura plus de nouvelles publications du Professore. Bien sûr, il y aura des amas posthumes, mais seront-ils vraiment de lui, ou de ses éditeurs colligeant des fragments pour nous ses élèves attristés?

 

* Je t’emmerde, Dan Brown

February 21, 2016 /Tournevis
Mort, Umberto Eco, université, livres, Lecture, Recherches, moi
Critiques, Français, Inspiration, Travail

Mon ami est mort

June 15, 2015 by Tournevis in Français, Famille, Nouvelles

Dans ma dernière entrée, je disais que je m'apprêtais à partir pour voir mon ami Joël sur son lit de mort. Je suis partie pour Montréal avec Mamou et le Chaton le vendredi 29 mai et le samedi matin, j'ai appelé comme prévu le cellulaire de Valérie sa conjointe. Sa mère a répondu. Joël était parti dans la nuit du vendredi à samedi, trois heures à peine avant mon appel. J'ai donc passé la journée, non pas sur la route, mais au Biodôme et au Planetarium avec le Chaton.

Dès le retour à Ottawa, j'ai annulé ma réservation de train du lundi 8 juin (où je devais partir pour Québec) et j'ai loué une voiture, pour assister aux funérailles de Joël à Saint-Séverin le dimanche 7. J'ai dormi à Trois-Rivières le 7 au soir et je suis partie à Québec le 8 au matin.*

Les funérailles furent extrêmement émouvantes, sans surprise. Les amis de Joël sont venus de partout, de Peterborough à Chicoutimi, plus d'une centaine de personnes en plus de la famille. La salle de la coopérative funéraire, aménagée pour accueillir un maximum de 45 personnes, était pleine à craquer. Valérie et quelques membres de la famille ont parlé. Son ami et éditeur Claude Janelle aussi et sa nièce a chanter "Si Dieu existe" de Claude Dubois.** On a beaucoup pleuré. 

Tous ces gens étaient présents pour Joël. Preuve que nous avons perdu un grand homme.

Tous ces gens étaient présents pour Joël. Preuve que nous avons perdu un grand homme.

Le corps était beau, ce qui est assez rare dans un cas de mort par le cancer, mais Joël portait un habit, ce qui le rendait presque méconnaissable. Je ne l'ai jamais vu portant autre chose que des jeans et un t-shirt, ou un déguisement. Je me demande qui a pensé que c'était une bonne idée. Ce n'était pas une cérémonie religieuse. Je n'en sais rien. Heureusement, quelqu'un a placé un trèfle à quatre feuilles sur sa main et glissé un de ses crayons de plomb dans sa poche. Il était bien paré pour le départ.

Les auteurs survivent par leurs livres. Voici Joël. Il n'est pas mort tant qu'on le lit.

Les auteurs survivent par leurs livres. Voici Joël. Il n'est pas mort tant qu'on le lit.

La réception dans la salle paroissiale fut très bien aussi. Un potluck, tout le monde a contribué, organisé via le groupe Québec-SF, dont je suis membre. On m'avait chargé d'apporter des fruits. J'en ai apporté pour 80$. J'ai passé une bonne partie de la réception assise à côté de Sylvie Bérard et Daniel Sernine à jaser et manger notre peine. Je suis certaine que nous étions drôles à voir.

Il ne restait pas autant de nourriture que prévu à la fin, mais Valérie (qui ne cuisine pas vraiment) pourra profiter des restes. Le groupe a aussi organisé une levée de fond pour acheter un congélateur vertical pour Valérie, pour que nous puissions tous la nourrir en attendant qu'elle finisse les cours de cuisine qu'elle promets de suivre. Je pense l'abonner à un club de snacks santé pour l'année, mais je dois parler à Mamou avant.

Valérie indique qu'elle souhaite organiser un événement Québec-SF chez elle plus tard dans l'été. Tout le monde lui rappelle qu'il n'y a pas de presse. Elle est encore sous le choc.

Le plus beau moment de toute la fin de semaine: quand Valérie m'a dit que je suis "comme une soeur" pour elle. J'en suis encore sciée.


* Ce sera pour une autre entrée. Que d'évènements!

** Au nombre de funérailles auxquelles j'ai assistées depuis trois ans, je l'ai entendue sous toutes les sauces, cette maudite chanson. Elle est très belle et la version originale est très bien, mais j'en ai assez de l'entendre, en particulier parce que c'est le pire ver d'oreille funéraire qui soit. Je l'ai collée dans la tête depuis le 7 juin et elle ne décolle pas. J'ai tenté d'écouter d'autres vers d'oreille pour la remplacer, notamment "Cover Me With Flowers" de David Sylvian, qui marche bien pour moi d'habitude, mais maintenant, j'ai les DEUX chansons dans la tête en même temps. 

June 15, 2015 /Tournevis
amis, Santé, Mort, sfq
Français, Famille, Nouvelles

Mon ami se meurt

May 27, 2015 by Tournevis in Français, Nouvelles

Mon ami Joël est entré en soin palliatif hier. Il va aussi bien que possible, il ne souffre plus, mais dort beaucoup. Ce qui est tout à fait normal et le sera de plus en plus avec l'augmentation graduel des doses de morphine dans les temps prochains. Il mange un peu, mais souffre d'une infection buccale assez virulente. Il a cessé tout autre soin.

Il ne lui reste donc que très peu de temps. Oui, je sais bien que pour certaines rares personnes, on peut être en soin palliatif pendant des mois (ou comme mon grand-oncle Lucien, y être entré trois fois et sorti deux fois...), mais je ne suis pas une à se conter des fables. Mon ami sera parti au plus dans quelques semaines.

J'ai écrit à un de leurs amis proches ce matin pour qu'il demande si je peux venir les voir samedi. Normalement, le village où ils habitent est à 400 km d'Ottawa, mais comme Mamou doit aller à Montréal en fin de semaine, si j'y vais aussi, je n'aurais que 200 km à faire à partir de Montréal pour aller les voir samedi. J'ai eu la permission d'y aller. Bien entendu, je dois téléphoner samedi matin pour savoir s'il est en état de recevoir, et il tout à fait possible que je ne puisse pas du tout le voir avant les funérailles, mais je prendrai ce qui vient.

Joël n'est pas du tout la première personne autour de moi qui souffre ou meurt d'un cancer. Il n'est même pas la personne la plus proche de moi qui se meurt d'un cancer. Je ne sais pas pourquoi son agonie (toute la maladie, en fait) me touche à ce point. Je suis atterrée depuis des mois. J'en pleure. J'ai honte de ne pas avoir pu les aider dans le quotidien comme ils le méritent. Je rage de la distance physique entre nous. Ne vous imaginez pas que je me crois l'une de leurs meilleurs amis; je sais très bien que je ne le suis pas. Je connais très bien ma place. J'ai pourtant toujours ressenti une profonde amitié pour lui et sa conjointe, avec qui je m'entends comme cochon. J'aurais voulu être à leur service dans les derniers temps, mais j'habite à 400 km. J'ai envoyé quelques livres-cd, dont une boîte il y a quelques semaines. Mais ils méritent tellement plus et je suis tellement loin. Je n'exagère pas mon importance dans leur vie; je n'en ai pas vraiment une importance. Mais ils méritent tout.

J'ai besoin d'une thérapie, non?

Bref, je vais pouvoir lui dire au revoir à Joël, tout simplement, humblement, doucement, puis je m'éclipserai pour laisser toute la place à la famille et aux amis proches. J'assisterai aux funérailles, bien entendu. Mamou m'a promis "qu'on s'arrangera".

May 27, 2015 /Tournevis
amis, moi, Santé, cancer, Mort
Français, Nouvelles

Quelques mots sur Jacques Bertand

November 14, 2014 by Tournevis in Nouvelles, Français

Comme tout le monde, j'ai appris hier la mort soudaine de Jacques Bertand. J'avais appris par les branches qu'il était malade, mais jamais n'aurais cru qu'il nous quitte si rapidement. Un virus. Lorsqu'il a pris sa retraite au printemps, j'ai comme tout le monde versé une larme à l'idée de ne plus l'entendre sur les ondes. Mon animateur préféré depuis toujours, j'ai eu le bonheur de travaillé avec lui pendant la dernière saison de Macadam Tribus. Je faisais une chronique "culture pop". À l'avant dernière émission, le 19 juin 2006, j'ai fais une courte histoire du prénom Jacques en son honneur. L'idée fut reprise par un autre chroniqueur de l'émission La Tête ailleurs.

Détrompez-vous, je ne connaissais pas Jacques Bertrand hors des ondes, mais il m'avait si chaleureusement accueilli dans l'équipe, et si généreusement toléré ma très grande inexpérience. Il démontré quel grand homme il était. Sa voix me manquait, il me manquera. Savoir que je ne le reverrai jamais m'attriste au plus haut point.

Ha'amma, Jacques.


Quelques clips de Macadam Tribus (avec et sans moi) ici.

November 14, 2014 /Tournevis
Québec, Mort, Macadam Tribus, Jacques Bertrand, Radio
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