Certains d'entre-vous auront peut-être avoir entendu parlé du jeu de carte Joffre. C'est un jeu de carte hyper-régional, populaire sur la rive-sud de Québec surtout, développé dit-on à Saint-Anselme, le village en arrière de Pintendre. Le jeu est fascinant parce qu'il se joue avec 42 cartes spéciales, mettant en scène quatre des puissances en conflit pendant la première guerre mondiale, la France (rouge), l'Angleterre (bleu), la Russie (vert) et l'Allemagne (brun). Le but du jeu est de remporter le plus de mains possibles en conservant la carte représentant le Maréchal Joffre sans se faire coller le Kaiser Wilhelm II (ou "le Brun"). À l'origine, le jeu se nommait d'ailleurs "Shoo Kaiser". Je suis à retracer l'histoire orale de ce jeu. Je n'ai pour l'instant que des bribes. Je ferai un terrain en juillet. Il est déjà établi que ce jeu fut ramené de la guerre par un ancien "barbu" de Saint-Anselme qui s'était dessiné un jeu à la main pendant son tour dans les tranchées.
Ce qui est le plus intéressant par rapport au Joffre est qu'il n'est pas du tout unique et que plusieurs amateurs de l'histoire des cartes ont constaté les similarités entre le Joffre et le jeu de Kaiser joué en Saskatchewan, de même qu'avec un jeu de carte datant de la fin du 19e siècle "The Lost Heir", d'abord publié aux États-Unis, mais surtout populaire dans une édition canadienne dès la période edouardienne. Les similarités entre les deux premiers est dans leur terminologie et leurs origines liées à des soldats de la première guerre mondiale. Les liens entre le Joffre et le Lost Heir sont dans les règles du jeu et surtout dans le design des cartes. Ce sont tout simplement le même jeu. J'ai reconstitué une chronologie, encore partielle mais convaincante, de la transformation du Lost Heir en Joffre et en Kaiser dans les tranchées en France pendant la première guerre mondiale. Des soldats, dont un serait identifiable, ont ramené le jeu au Canada après la guerre. À ce jour, le jeu est donc joué sur la rive-sud de Québec sous la forme du Joffre (Shoo Kaiser) et sous la forme de Kaiser, en Saskatchewan, surtout dans la communauté ukrainienne (ça, je ne le comprends pas ce bout-là).
J'ai trouvé beaucoup plus d'information de ce que je vous dévoile ici, mais je ne veux pas montrer ma main tout de suite (*jeu de mot*).
Il me reste beaucoup à trouver encore. Il me faut confirmer par qui et comment le jeu est passé de sa forme primaire dessinée à une édition commerciale et exactement quand. Si je pouvais trouver une de ces premières éditions, je serais très heureuse. Il me faudra aussi trouver de l'information sur le Kaiser. J'ai un contact, mais je ne commencerai pas cette voie de recherche tout de suite; seulement si mon information québécoise est trop mince pour en valoir la peine.
Tout dépendant de ce que je trouverai dans les prochains mois, je saurai si je proposerai l'article à une publication sur l'histoire des cartes ou du jeu (comme The Playing Card, par exemple) ou à une revue scientifique (comme la Revue d'histoire de l'Amérique française).
Bien sûr, cette recherche me prends du temps que je devrais consacrer à mon livre et aux projets payants que j'ai en cours. Je l'avoue: c'est une technique dilatoire.
Note: Je possède une copie contemporaine de Joffre, une copie d'une édition spéciale de Kaiser datant de 1983 et une copie édouardienne de The Lost Heir. Je cherche encore une copie de Joffre des années trente ou quarante et une copie contemporaine de The Lost Heir. J'aimerais vraiment en trouver, mais je n'ai aucune piste. Zéro.