Mort et funérailles de ma grand-tante

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Malgré de bonnes intentions, je n'ai pas écrit d'entrée dans ce blogue depuis près de deux semaines, sinon plus. La raison première fut le décès soudain de ma grand-tante C., religieuse, la sœur de ma grand-mère paternelle, le 2 février dernier. Elle était prête à mourir depuis des lunes et était atteinte de sénilité depuis un an et ne reconnaissait plus personne, ce qui l'enrageait.

"Ma matante" était très importante pour moi et ma sœur. Ma grand-mère est morte lorsque j'avais un an et demi, et même si je me souviens d'elle un peu (ce qui est inhabituel, je ne sais), je n'en ai pas vraiment profité de ma grand-mère. Ma grand-tante a largement pris sa place dans nos vies et dans nos cœurs. Elle me manque déjà beaucoup. Comme, en plus, sa mort marque le troisième décès en près de quatre mois dans ma famille, j'en ai un peu mare de la mort. Donnez-moi un break.

J'ai donc acheté un billet de train à toute vitesse et comprimé ma semaine de travail en trois jours pour pouvoir partir pour Québec le jeudi. Avec un petit garçon dont l'angoisse prend de nouvelles formes ces temps-ci et un amoureux qui ne dort pas, je n'écris plus, je travaille trop.

Les funérailles de ma grand-tante eurent lieu en deux parties. Les sœurs de sa congrégation lui ont d'abord rendu hommage le matin du 7 février, en présence du corps. C'était adorable. Petite cocasserie, l'une des deux religieuses rendant l'hommage était si petite qu'elle devait prendre un élan pour s'asseoir et ses pieds ne touchaient pas le sol une fois assise. Difficile de ne pas pouffer de rire pendant ce moment solennel.

Après un très bon lunch à la cafétéria des soeurs, nous avons fait une courte visite des réserves et du musée de la Maison généralice, avec une des meilleures amies de ma grand-tante dans la congrégation (qui est aussi son arrière-cousine, par ailleurs, malgré le fait qu'elles ont moins d'un an de différence). Puis nous nous sommes réunis à la chapelle, en présence de la Supérieure générale et des représentantes de toutes les provinces de la congrégation de par le monde, pour les funérailles en tant que telles. Le prêtre, un arrière-petit-cousin de ma grand-tante et un ami de la famille, a célébré. Son homélie était assez bonne, ce qui pour moi est un compliment parce que je n'ai pas de tolérance pour toutes ces niaiseries de religion. La panégyrique fut prononcé par ma soeur et il était très très bon.

J'en copie le texte en entier ici, parce que j'en partage les semiments.

MA tante C! MA matante comme je disais. En fait, elle était pas ma tante mais ma grande-tante, la tante de mon père mais elle était tellement proche de nous que ça a été et sera toujours ma tante.

Elle était proche , très proche de ma soeur et moi. Ma grand-mère, qui était sa soeur, est décédée il y a de ça 40 ans ou presque. Moi je ne l’ai pas connue et ma soeur n’en a pas profité beaucoup alors, je sais pas trop comment ça a commencé mais ma tante à joué à la grand-mère avec nous.
Elle était là à tous les événements importants de nos vies. Nos anniversaires, mariages, fêtes des mères, remise de diplômes. Elle se tenait au courant de tout ce qui nous arrivait, nos histoires de coeurs, notre santé, notre foi... Elle se préoccupait de nos vies. Et aussi des vies de la famille plus élargie.

Quand je suis partie faire mes études à l’étranger, ma tante s’est fait encore plus présente pour mes parents. Elle venait voir ma mère pratiquement toutes les semaines, pendant trois ans!

J’ai eu des échanges d’idées vraiment intéressants et même corsés avec ma tante et jamais je ne me suis sentie jugée. Quand M. et moi avons décidé de nous marier chez nous et en dehors du sacrement du mariage, (avec la bénédiction d’un prêtre tout de même) ma tante a affirmé que les mariages devraient toujours ressembler à ce que l’on avait fait! Elle était moderne.

Elle était drôle aussi! Je me souviens qu’elle m’avait raconté avoir perdu son voile en conduisant les fenêtres baissées. Le dit voile s’était fait pulvérisé par plusieurs voitures et ça avait plutôt l’air d’avoir fait son affaire...!

Une jeune postulante m’a raconté aussi comment ma tante avait “enfirouappé” un policier qui l’avait arrêtée. Chère ma tante! Que dieu vous bénisse monsieur l’agent...Elle a pas eu de ticket et pourtant, elle le méritait!!

Vous dire le nombre de fois où ma soeur et moi, avons été gardé au couvent. On y a exploré les couloirs en long en large et en travers. On s’ennuyait jamais avec ma tante. Elle nous amenait en classe avec la soeur C. ou dans le bureau de soeur S.-A. avec qui on était tellement fine parce qu’on savait qu’elle avait une réserve de chocolat et de gomme Chicklets dans son armoire...

On mangeait à la cafétéria avec elle. J’étais fascinée par le rituel de prendre ses couverts dans son casier, de faire le bénédicité. Toutes les Soeurs nous parlaient et nous souriaient. Ma tante semblait tellement fière de nous. On était importantes.

Ma tante jouait aussi du piano et, bien sûr, elle conduisait la voiture. Elle a été Soeur Économe aussi. Elle était cool pour une Soeur. On en a fait des virées avec elle... On l’aimait et elle nous aimait.

Elle nous a toujours dit qu’elle avait rêvée être pilote d’avion mais dans les années trente et quarante ça se faisait pas trop. Alors à 18 ans, son père lui a apprit à conduire la voiture puis elle est entrée en communauté. En fait, dans les conversations de fond que j’ai eu avec elle, elle m’a avoué avoir choisi le voile par dépit. Comme Hildegarde von Bingen, elle est entrée au couvent par manque d’option. La vocation lui est tombée dessus plus tard. Je trouve que ça la rend encore plus admirable.

Elle était un esprit à part (c’était une P. après tout, son nez le prouve assez) et pourtant elle a vécu 68 ans en communauté! ÇA c’est de la fidélité. Je sais qu’elle ne faisait pas l’unanimité, qu’elle dérangeait parfois mais c’est normal entre soeurs, non?!

Parce qu’elle était franche, droite et entière j’ai toujours eu un immense respect pour ma tante et sa communauté. Je la remercie de m’avoir transmis ces valeurs-là en bonne grand-mère de substitution qu’elle a été. Au risque d’être kétaine et de manquer d’originalité, je peux affirmer que je suis, grâce a elle, une meilleure personne.

En terminant, je veux dire merci aux Soeurs de nous avoir permis de vivre autant de choses avec ma tante. Merci de nous avoir laissé courir dans les couloirs du couvent, d’avoir partagé avec nous les bonnes patates pilées de la cafétéria, de m’avoir permis de travailler deux ans au musée. Merci pour votre enseignement et votre générosité.

Et un merci tout spécial à soeur Y. pour avoir été une si bonne amie pour ma tante.

J’espère que nous allons rester en contacte. Je trouverais ça dommage de ne plus parcourir les couloirs d’un couvent.!

Merci!

Ma tante, tu étais prête à partir depuis longtemps. Bon voyage et embrasse soeur M. de notre part!

Merci matante....